Chapitre 1

*S'incline devant la salve d'applaudissements qui résonne en réponse à ce titre merveilleux autant qu'adéquat.*

Olirin Nak'Ridir était le frère cadet de Megrin, l'actuel chef de Carratheon. Âgé de vingt-quatre ans, Olirin travaillait dans les mines, comme à peu près tous les gnomes du village. Tous les gnomes sauf bien sur son frère Megrin, qui lui se prélassait probablement dans sa chaumière avec son horrible femme, une créature à moitié ours et à moitié naine, selon son apparence, prénommée Selana. Olirin vivait avec une profonde haine envers son ainé. D'un naturel pacifiste et calme depuis toujours, le gnome avait toujours été l'enfant sage du duo, et aussi l'enfant faible. Megrin était son opposé. Fier, fort, rebelle et stupide à souhaits, selon Olirin, il avait toujours considéré son frère comme un inférieur. Olirin s'était d'ailleurs toujours dit que même s'il avait été le plus vieux des deux, leur père aurait quand même choisit Megrin comme successeur, largement assez populaire, communicatif et avare pour être chef, contrairement au plus jeune. Malgré sa richesse étonnante due à celle des mines de Carratheon, Megrin n'avait jamais aidé la famille d'Olirin, qui se contentait du maigre salaire d'un mineur pour nourrir sa femme et sa fille de deux ans.

Olirin était seul au bout d'un long tunnel sombre. Celui-ci ayant été creusé durant la journée, aucune torche ou lanterne n'était fixée au mur, si bien que le gnome devait poser sa lanterne sur le sol et la déplacer chaque fois qu'il avançait. S'il regardait derrière lui, Olirin pouvait voir la très lointaine lueur d'un torche, à l'embranchement le plus près derrière. La journée était finie, le soleil était couché. Il le savait car il avait entendu le puissant grondement du clocher du village signifiant que les mineurs pouvaient rentrer voir leur famille. Il entendait le martèlement des dizaines de gnomes qui quittaient les tunnels, mais lui resta planté là un instant, il observait un étrange phénomène. Sur la paroi, devant Olirin, il lui semblait que de la fumée serpentait, sortant par de minuscules fissures. Il approcha un peu sa lanterne et constata que la fumée présentait une couleur jaune-vert peu habituelle. Et même pas habituelle du tout. Il attendit un instant d'être certain que tout le monde était parti puis donna un grand coup de sa pioche dans la pierre. Le mur s'émietta facilement, il y avait tout juste quelques centimètre d'épaisseur. Lorsque la roche céda, un grand flot très chaud de fumée verte se déversa sur Olirin comme une vague écumante. Le gnome s'étouffa et tomba à genoux, suffoquant et toussant. Ses voies respiratoires lui semblaient bloquées, comme si la fumée était solide, et pendant un moment il ne put qu'haleter faiblement. Au bout de quelques secondes, Olirin put se relever, il pouvait à nouveau respirer normalement, et il se dit que la fumée devait s'être assez dissipée, bien que l'air était encore tout à fait opaque du même vert-jaune malade.

Olirin leva sa lanterne bien haut pour pouvoir voir autour de lui. Il était dans une grande caverne ronde au plafond en dôme. Il pouvait apercevoir le mur derrière lui, d'où il venait, mais la plus grande partie de la paroi se perdait dans le gaz. Un bruit continu provenait d'un endroit à quelques mètres devant le gnome. Un bruit humide, on aurait dit de l'eau qu'on remuait. Olirin s'avança. Il n'était pas question d'aller prévenir les autres, pas question de laisser Megrin lui voler sa découverte. Il n'en parlerait que lorsqu'il aurait tout examiné, et décidé de l'angle d'approche à adopter pour ne pas perdre ses droits de découvreur.

Pendant la première nuit, au village, personne ne vit l'espèce de champignon horizontal de fumée jaune qui sortit en bondissant de plusieurs tunnels. Tout le monde était dans le village, dont les mines étaient assez isolées. Pendant environ une journée, on distingua de longs panaches jaunes qui sortaient des tunnels, et on remarqua que plus on se rapprochait de la caverne d'Olirin, plus le gaz virait au vert. Au bout de cette journée, le gros de la fumée fut tout dissipé. Cependant, le gaz continuait de s'échapper. La caverne était toujours baignée de la lueur jaune-verte, et on distinguait des serpents de brume sur le sol des tunnels jusque très près des sorties. Maintenant que la grosse réserve était sortie, seul un flot continu, régulier et puissant continuait de s'échapper de la caverne, se concentrant toujours plus dans l'air environnant, mais restant invisible.

Cette histoire a lieu trois semaines dans le passé.